On aime ou on aime pas Jacques Attali, intello et homme de pouvoir, conseiller de François Miterrand puis critique envers son Maître. On doit toutefois à Attali quelques concepts lumineux comme celui des "objets nomades" au début des années 90 pour caractériser la montée des laptops et autres télépnones mobiles, puis l'invention du "sixième continent" pour désigner Internet et ses potentialités. Son interview dans la dernière livraison de la revue Medias, consacrée aux...medias, devrait être lue par tous ceux qui s'interessent au Web 2.0, à la mutation des medias, aux difficultés de la presse payante, notamment quotidienne, aux blogs...les déclarations d'Attali sont un tantinet provocatrices, jugez plutôt!
"La presse quotidienne payante est morte, pour moi, au sens de presse payante, tout simplement parce qu'Internet a imposé à l'écrit le modèle de la radio. Financement par la publicité et gratuité pour les auditeurs, aujourd'hui lecteurs. Prenant peu à peu conscience de ce modèle, la presse quotidienne tend à devenir gratuite, qu'elle soit imprimée ou pas. Et à devenir permanente, sans cesse actualisée."
Et sur les blogs: "Le blog est un instrument de cette transformation de la presse en radio. Il s'inscrit dans un système plus vaste qui englobe les sites d'informations en réseau et exprime la volonté de chacun d'être acteur libre du monde (...) Fin de la distinction entre producteur et consommateur (...)
D'accord ou pas? En tout cas Attali a un vrai talent pour pointer du doigt le coeur des évolutions de nos sociétés...
il faudrait ajouter la facette de consommateur nous devenons "consomacteur", avec les outils du web 2.0, les internautes ont de plus en plus de micro-pouvoirs individuels qui en s'additionant peuvent, peut etre, faire bouger les choses
d'autre part la co-creation renforce le caractère acteur du consommateur
reste la question du périmètre de l'entreprise: simple "aggrégateur" de moyensde productions de produits et de services et ayant pour simple objectif de travailler sur la force de sa marque pour pereniser son avantage comparatif?
Rédigé par : gandon françois albert | 23 juillet 2006 à 13:52
Plutôt d'accord sur son analyse de l'imposition du système de la radio au web, je n'avais jamais pensé à cette comparaison !! Bien vu !
Rédigé par : Hubert | 23 juillet 2006 à 23:30
Le risque de la disparition de la presse écrite payante est la supression des bonnes plumes, des vrais analystes qui prennent le temps de penser car ils sont payés pour le faire... est-il possible de trouver la même chose sur le web ? pas si sûr !!
Rédigé par : Hubert | 23 juillet 2006 à 23:35
deux excellents billets à ce sujet, chez Jeff Mignon(http://mediacafe.blogspot.com/2006/07/un-quotidien-national-gnraliste-payant.html#links) et Benoït Raphaël (http://benoit-raphael.blogspot.com/2006/07/faut-il-tuer-les-journaux-payants.html)
Rédigé par : damien | 24 juillet 2006 à 00:52
Est ce que cela signifie qu'apres Radio France et France Télevision, on doive aller vers un "Web in France" pour la persistance d'un secteur capable d'investir et de se payer des pointures sans dépendre de la pub ? Ou les préoccupations d'auto promotion et de buzz vont elles suffir à bénéficier de contenus riches ?
Pour ma part je suis un peu inquiet : on risque en tant que lecteur de tomber sur pas mal de courbe de contenu ressemblant à celle de ce blog : des analyses et de la diffusion de rumeurs de première main, bref un contenu qui nous allèche et nous passionne dans un premier temps, puis par la suite, moins de billets et avec un max d'auto promotion du type "tiens, vous avez essayé de tapper world cup dans wikio ?" ... dont le seule intérêt semble être de récupérer du traffic généré en première période.
Rédigé par : mrique | 24 juillet 2006 à 08:36
Le problème c'est que la presse gratuite ça n'existe pas sur internet.
Des blogs qui recopient les sites d'actu oui mais des sites comme Lemonde.fr (plusieurs million de visiteurs/mois) ne font même pas 5% du CA de l'entreprise.
Sans ses ventes de journaux, l'entreprise ne pourrait pas payer autant de journalistes... soit la presse sur internet devient payante et reste d'une bonne qualité soit on aura des blogs/sites couverts d'article plus ou moins recopié sur reuters et l'AFP mais rempli de liens sponsorisés bien sur.
Si on ajoute les parasites wikio, google news et d'autres, on peut être inquiet sur la qualité de l'information... cela dit c'est pas un mouvement récent, le journal TV de 20h est déja une sorte de soupe infame d'actualités avec 10 minutes de pub avant et après.
Rédigé par : | 24 juillet 2006 à 10:18
Je suis assez d'accord avec Attali sur cette tendance, même s'il est évident qu'elle ne va pas se généraliser.
Ce n'est après tout que de l'économie de l'information : pourquoi le consommateur rationnel paierait-il une information qu'il peut avoir gratuitement ailleurs, et éventuellement de meilleur qualité car faite par des passionnés comme les bloggers ?
Par exemple, dès que j'ai eu accès au web j'ai cessé d'acheter des magazines liés à mes hobbies : l'information trouvée sur le web y était plus critique, plus exhaustive, et gratuite qui plus est.
La presse payante continuera d'exister, mais seulement celle qui apporte une réelle valeur ajoutée.
Rédigé par : Sébastien Billard | 25 juillet 2006 à 12:07
Décidément les membres de la famille Attali sont vraiment trop forts!
http://www.infoguerre.com/article.php?sid=721
Rédigé par : mael | 25 juillet 2006 à 16:28
Je vais vous avouer un truc: moi j'adore lire la presse quotidienne payante! je ne suis donc pas d'accord avec Attali car il exagère, mais c'est l'occasion de mettre le doigt sur deux points:
1/ la presse payante, notamment quotidienne, doit démontrer une véritable valeur ajoutée pour garder ses lecteurs: interviews originales, analyses approfondies, dossiers de fond ou dossiers plaisir...bref moins que jamais elle ne peut se contenter de recopier les dépêches d'agence!
2/ Et parrallèlement, même si le troll qui bavasse un peu plus haut a sans doute raison en disant que les recettes des sites Web des journaux représentent bien peu de choses pour l'instant, il est très important que la presse prenne toute la mesure du potentiel du Web. Rien n'empêche un quotidien de construire un site web d'information capable d'attirer une audience massive et de générer des revenus importants (sans doute pas via un modèle payant sur le Web -sauf pour quelques publications très spécialisées- mais bien en construisant un carrefour d'audience gratuit et financé par la pub!).
Il faut juste considérer le web comme ce qu'il doit être: une priorité.
La difficulté de la transition du modèle papier au modèle web + papier est indéniable, mais n'oublions pas que globalement les recettes publicitaires continuent d'augmenter, il s'agit avant tout de savoir les capter!
Rédigé par : pierre chappaz | 25 juillet 2006 à 18:13
Je partage moins la portée de la comparaison avec la radio, la télé fonctionne également avec le même business model et pourtant la télé comme la radio font face à une réelle menace de disparition de leur forme actuelle à long terme. Que l'on regarde l'exemple de Yahoo Music pour la 'new radio' ou Youtube (mais bcp d'autres encore) pour la 'new tv' on voit bien qu'il ne s'agit pas juste d'un nouveau modèle économique mais d'un changement de comportement global du - repris plus haut par françois albert - 'consomacteur'. Peut-être donc qu'en résumé le changement doit se faire en terme d'une redéfinition des usages et non pas uniquement des modèles économiques.
Rédigé par : Hadrien | 25 juillet 2006 à 19:14
Je n'ai pas assez réfléchi à la comparaison avec la radio pour savoir si elle est pertinente ou pas. Ce que je crois c'est que pour payer un contenu ou un service, il faut que celui-ci ait une vraie valeur d'usage (le bouquin d'Attali sur Marx est excellent d'ailleurs).
La presse payante n'est pas morte me semble-t-il, la preuve le Canard Enchainé, financé par ses lecteurs a des bases financières solides.
Le problème me semble-t-il c'est de payer 1€20 pour qqchose que vous avez déjà lu sur le web gratuitement.
Par ailleurs, la publicité c'est bien mais à un certain moment, est-ce que cela ne limite pas la pertinence des articles proposés ?
Je pense pour ma part qu'Internet révolutionne chaque jour d'avantage des pans entiers de l'Economie : cela a commencé par le porno(dt on parle peu mais qui a résolu pas mal de pbs bien avant tout le monde), le secteur des loisirs numériques, le tourisme, la musique bien sur, puis maintenant la presse, le cinéma, l'organisation du travail...
Et ce n'est que le début...:)
Rédigé par : /O | 25 juillet 2006 à 19:38
Pierre, ce n'est pas la même chose de travailler pour capter des revenus publicitaires que pour capter des lecteurs payants, il risque d'y avoir un manque de liberté d'écriture plus important !
Rédigé par : Hubert | 25 juillet 2006 à 21:09
je pense que parler sur des extraits hors contexte de l'interview de M. Attali est un peu "osé"... C'est toujours le problème de prendre ce qu'on veut et de le tourner comme on veut.
Pour ma part, si on part de l'idée générale de la "concurrence des médias", je dirais que l'on a annoncé la mort du livre depuis l'apparition des médias numériques et pourtant il est toujours là et sera toujours là... du moins pour encore longtemps... de même pour le papier... tous ceux qui annonçaient le zéro papier ont du rêver...
Je ne crois pas à la fin de la presse traditionnelle payante, sous prétexte qu'Internet révolutionne tout. Toute personne dotée d'un cerveau en bon état de marche et d'un soupçon d'esprit critique sait que pour analyser les événements, nous avons besoin de recul et que le rapport de la pensée au geste écrit est beaucoup plus profond et naturel à l'homme que celui de l'esprit au clavier d'ordinateur... même si, comme partout il y a des exceptions... La bonne presse écrite est nécessaire comme sont utiles les manuels scolaires... vouloir faire disparaître un support qui oblige à l'attention, à la concentration et à la réflexion est dangereux... La lecture développe l'imagination et les connexions logiques, le vocabulaire, ... ce que sont peu susceptibles de faire des informations sur écran... car l'esprit est plus volatile devant un écran et l'habitude héritée de la télé de zapper et de l'informatique du multitâches fait qu'il est plus difficile de s'imprégner de tels contenus dès lors qu'ils demandent une attention soutenue.
Je pense que l'ensemble des médias doivent cohabiter intelligemment mais que voir Madame Bovary au cinéma ou en DVD ne remplacera jamais la lecture du livre de Flaubert.
Quand au blog et à la fin de la distinction entre producteur et consommateur, je pense que l'on pourra dire ça quand la mode et la pub seront moins présentes et que les bloggeurs auront une véritable "autonomie de pensée"... d'autre part, pour l'instant je conçois assez le blog comme un effet de mode et ne suis pas certaine qu'il ne s'essoufflera pas assez vite. Par contre il traduit une volonté plus grande des individus (citoyens ?) de prendre la parole... maintenant dans quel but ? il y aura un tri à faire... ou qui se fera de lui-même. N'est-ce pas une émanation indirecte sur le web de la télé-réalité ? cela ne m'étonnerait pas... alors on peut s'attendre au pire (comme au meilleur ?) soyons optimistes... et disons que peut-être, enfin, allons-nous assister à l'agonie de la société de consommation...
une dernière précision : il faut espérer que la presse payante ne mourra pas, car ce n'est qu'à ce prix - et ce n'est pas qu'un jeu de mots - que la presse pourra espérer garder une certaine indépendance dans un monde ou beaucoup trop de choses s'achètent...
Rédigé par : Cré@Tif | 25 juillet 2006 à 22:51
Il faut adopter une vision moderne de la dichotomie payant/gratuit:
-pour un produit physique, il faut arriver à ce que revenus>coût de production. La valeur d'échange du produit est fixée dès le départ par le coût de sa production et les revenus qu'il peut directement générer.
-pour un produit numérique, comme un blog, le coût de production est faible et la valeur d'échange du produit se contruit avec le temps, à partir de son trajet dans les aggrégateurs, filtres etc...Une partie de cette valeur ne sera pas directement monétisable mais pourra permettre à l'auteur de créer de la réputation, des relations qui seront à terme sources de rentabilité.
Les dizaines de millions de personnes qui passent des heures tous les jours à produire des micromedias ne sont pas des fashion vitims (ceux qui pensent cela s'y sont-ils déjà essayés? il y a du travail derrière!), ils cherchent bien à créer de la valeur mais en pensant plus loin que: "ça me coûte tant, il faut que ça me rapporte tant immédiatement", parce qu'ils n'ont pas un tirage papier ou une impression de CD/DVD à amortir..
Rédigé par : Guillaume | 26 juillet 2006 à 11:44
Pour se rassurer... aux USA, il y a plus de 13 millions d'abonnés à la radio satellite XM ou Sirius. Pour environ $12 par mois. Raison: bénéficier de programmes thématiques de qualité et sans publicité. C'est la conséquence d'une profusion de chaines radios inondées de publicités. Et aussi du temps passé dans les embouteillages (surtout à Los Angeles...) ou les longs trajets en voiture aux USA.
Comme quoi il y a aussi parfois des "retour en arrière" par rapport aux modèles gratuits financés par la publicité. Tout du moins dans les pays à fort pouvoir d'achat.
Autre comparaison sur gratuit/payant: aux USA, une grande partie de la presse professionnelle papier est gratuite et financée par la pub. La diffusion est dite "qualifiée". Ce phénomène est plus rare en France. Et on a connu plusieurs échecs dans ce domaine dans les années 1990. On est revenu à la presse papier classique payée par abonnements, vente à l'unité et aux sites Web d'info à la ZDNet. Pourquoi la presse pro à diffusion qualifiée ne fonctionne-t-elle pas en France? Probablement parce que le marché est trop étroit pour qu'elle vive juste de la pub. Et que les lecteurs restent sensibles à un ratio contenu/pub qui doit être élevé.
Pour revenir au sujet de base, la production de contenus par les Internautes va certainement se développer. Mais avec une auto-segmentation des producteurs de contenus qui va mécaniquement stariser les meilleurs et marginaliser les autres. Il s'est déjà créé une élite de quelques centaines de bloggers qui captent l'attention des Internautes. Même dans un monde très libre, on n'échappe pas aux phénomènes de concentration. Quand bien même ils répondent sur Internet à une logique plus "démocratique" de promotion des meilleurs (à priori...). Et ces meilleurs le sont parce qu'ils passent du temps à promouvoir leur expertise. Au point parfois d'en faire leur métier.
Rédigé par : Olivier Ezratty | 26 juillet 2006 à 19:25
Il est certain qu'on peut se demander pourquoi payer pour une information que l'on peut avoir gratuitement ailleurs ?
Rédigé par : olivier | 28 juillet 2006 à 00:42
La question peut se poser différement : Quel valeur a l'information gratuite, lorsque que l'on connait un peu le système des conférences de presse, dossiers de presse, attachés de presse, ...
Je pense que l'intelligence, la vision, l'analyse ont une place essentielle dans notre monde, il faut très simplement changer les modèles économiques.
L'important n'est pas de savoir mais de comprendre, je crois ?
amitiés
Rédigé par : Lionel | 31 juillet 2006 à 22:23
Bonjour,
Je me permets de vous communiquer cet article sur l'enjeu de l'information dans le cadre de la netcampagne 2007
http://fr.news.yahoo.com/08082006/326/election-presidentielle-2007-une-information-sous-controle-des-sarkozystes.html
Bien cordialement
Rédigé par : DK | 09 août 2006 à 03:02